samedi 16 avril 2016

Kevin Morby – Singing Saw #kevinmorby


Je ne vais pas vous faire l’affront de présenter Kevin Morby (déjà 3 chroniques sur ce blog), ex-bassiste de Woods (d’ailleurs bientôt un nouvel album de Woods), et un de mes petits chouchous des dernières années. Après un premier album folk génial, Harlem River et un deuxième plus électrique sorti dans la foulée, le revoici très en forme. Kevin ne révolutionne toujours pas la formule mais réussit à encore plus creuser le sillon de son folk rock.

Moins électrique et beaucoup plus proche de Harlem River, Singing Saw me touche plus que Still Life.

On sent qu’il n’a pas été réalisé dans l’urgence. L’ambiance est plus posée, lascive, tendue. La production s’étoffe un peu plus : cuivres mariachi (I Have Been to the Mountain), effets psychédéliques (Singing Saw), chœurs, quelques cordes, un piano est maintenant omniprésent.

Pourtant, le style Kevin Morby n’a pas changé d’un iota, toujours ce phrasé Dylanesque, ces inspirations americana à la Neil Young et quelques touches de Lou Reed et d’hargne électrique.

Il n’y a vraiment pas de déchet dans cet album, tout est bon dans le Kevin. On y trouve des balades tranquilles influence Leonard Cohen sur Water, influence Dylan sur tout mais plus sur Black Flowers et Dylan période électrique sur Dorothy. 

On y trouve aussi un tube en puissance, bien construit et bien tenu par sa basse : I Have Been To The Mountain, et il y a Singing Saw, crépusculaire, dans le prolongement d’Harlem River avec les Doors en filigrane, 7 minutes géniales, guitare hypnotique, basse ronflante et ambiance mystique.

Bref, le Morby 2016 est un très bon cru !



et un petit live acoustique en prime


vendredi 15 avril 2016

M83 – Junk #M83




Pastiche, Hommage, Inspiration, Parodie, Nostalgie, Vintage.

En ce qui concerne la pop musique, les lignes sont devenues maintenant très floues entre ces différentes définitions.
On parle partout de retro-futurisme, c’est un fait, tout le monde puise son inspiration dans les 60’s, 70’s, 80’s et même 90’s (c’est dire !). Arrive-t-on à une panne d’inspiration ou au contraire de tout temps a-t-on regardé le passé pour construire l’avenir?
Autant vous dire tout de suite, je ne vais pas répondre à la question !
Et ce n’est surtout pas ce nouvel album de M83 qui y répondra, au contraire il nous plonge encore plus dans la confusion et l’embarras.

Les grands défricheurs de la pop font ouvertement les poubelles (le Junk du titre de l’album ?) du passé pour se servir de sources d’inspiration pour le moins avouables : Metronomy est fan de Jean Michel Jarre et le transforme en bouffée d’oxygène (M83 aussi tiens tiens), Daft Punk exhume le Chic de Neil Rodgers et l’has been Georgio Moroder, sans oublier le fantôme du paradis Paul Williams.

Après tout pourquoi pas. En faisant le tri et en fantasmant la vision du passé on peut en ressortir quelque chose de beau. Ça c’est le côté hommage, voire réhabilitation. Et dans ce sens, les Tarantino de la musique, Daft Punk, ont permis à certains « acteurs » de Random Access Memories de renouer avec leur gloire passée, pour le meilleur ou pour le pire. Beau travail social pour les seniors.

Mais il n’y a pas que ça, une bouse ne peut pas se transformer en or comme par enchantement, et il ne s’agit pas de jouer « comme à l’époque », avec le même Bontampi et la console qui a servi à enregistrer Thriller pour sortir quelque chose d’original. Il faut de bons titres derrière.

Bref. Revenons à Anthony Gonzalez, aka M83. Vous l’aurez compris, il y a quelque chose d’extrêmement daté dans ce disque. Et beaucoup de questions se posent à l’écoute de l’album, disons que la première écoute est dure, la deuxième déroutante, mais à force il y a quelque chose d’attachant.
Parodie, Ironie ? Oui il en faut, il faut du recul. Et oui il y en a. Quand on voit la pochette horrible à dessin avec les Muppets mauves, M83 écrit avec un word-art douteux, Junk en comics sans MS (police interdite par la convention de Genève en 1999) avec des couleurs et un agencement type Punky Brewster, on se dit qu’il faut de l’ironie, de l’autocritique, et un peu d’inconscience pour proposer ça. On peut aussi crier au génie. Je ne le ferai pas.


Donc il y a peut-être du second degré dans ce côté jusqu’au-boutisme de la production : nappes de bontampi, overdose de saxo, vocoder eighties, cor anglais, harmonica, batterie hexagonale, solo de guitare héros, pédales aux effets douteux, variété française, spoken word gainsbourien, funk électronique. Toutes les influences bonnes ou mauvaises y passent : Michel Berger côtoie Tears for Fears, Cindy Lauper croise Jean Michel Jarre, Gainsbourg fait du moonwalk un whisky à la main, Stevie Wonder tchatche avec Etienne Daho, Supertramp reprend Vladimir Cosma à l’harmonica, et bien sûr le tout saupoudré de la fameuse french touch avec ses claviers si particuliers, vintage mais futuriste à la fois, type bande son du futur d’un film des années 80. Genre Blade Runner ? Tron ? Ah non c’est Daft Punk ça.

En détail ça nous donne la Groupie du Pianiste joué par Dr Alban sur Do It, Try It, avant l’arrivée du mur de synthé épique M83esque, et des « Do It », « Try It » Daftpunkien. Ça done Go ! un titre ultra commercial taillé pour HAIM (pas le meilleur titre). Ça donne un refrain très Pastime Paradise de Steevie (ou Gangsta Paradise de Coolio pour les fans de Michele Pfeiffer…) dans Walkway Blues, du spoken word Gainsbourien en français et des alternances de refrains anglais dans Bibi The Dog, le tout produit par un Daho qui aurait voulu ajouter des voix de Chipmunk. Mais aussi, des instrumentales hyper datées comme Moon Crystal entre le générique de Miami Vice et de la Croisière s’amuse. Ça donne aussi des guitares claviers chelous sur Solitude, un slow avec sax apparent et guimauve dégoulinante sur For The Kids, de la variété française Berger/Gall en question réponse sur Atlantique Sud ou un final Vladimir Cosma style l’As des As joué par Supertramp avec le dernier bien nommé Sunday Night 1987 (2 films sinon rien !).

Comme pour d’autres albums récents (comme dans une moindre mesure le dernier Phoenix par exemple), Junk demande des écoutes nombreuses pour passer outre le mur de production et enfin trouver les chansons qui se cachent dessous. Evidemment les allergiques aux 80’s vont devoir passer leur chemin immédiatement même si ce n’est pas aussi indigeste que le dernier Passion Pit.

Et donc on évolue entre le sentiment qu’Anthony Gonzalez en a trop mis dans sa folie eighties. Le sentiment que les titres sont très bon : Solitude (peut être le dernier vestige M83), Laser Gun, Road Blaster, Bibi The Dog, Do It, Try It, et dans une moindre mesure Time Wind, For The Kids et Atlantique Sud. Le plaisir pur, peut-être un peu coupable. Le sentiment du « c’était mieux avant » car oui cet album n’a plus rien à voir avec ce que faisait M83 avant, et ça peut être décevant quand on attend Midnight City 2. L’impression qu’il a fait ça pour plaire au plus grand nombre en sautant dans la hype 80’s, ou pour se faire plaisir à lui seul, surement grand fan de Punky Brewster et d’AB production. 

J’ai beau me dire que je n’acquiesce pas toutes les lubies de production - loin s’en faut - je n’arrive pourtant pas à stopper l’écoute. Et ça c’est plutôt bon signe.
On en pensera ce qu’on veut, mais les titres sont vraiment bien écrits, tout y est réfléchi, trop ? peut-être.
Time will tell, mais pour l’instant j’adhère !

J’ai conscience que ce disque va cliver, encore plus les amateurs du M83 « d’avant », on aura le temps de se faire une idée sur sa longévité car je lui prédis un grand avenir. 

Que-ce soit pour du pastiche, un hommage, une inspiration, une parodie, de la nostalgie, un esprit vintage, jusqu’où peut-on aller sans tomber dans le ridicule ? 
Et bien en fait, ça dépend du talent, et M83 n’en manque décidément pas.


Moderat –III #moderat



On peut dire que Bad Kingdom et Last Time du précédent album de Moderat m’ont pas mal séduit. 2 ans après leur découverte, elles font toujours partie de mes playlists et je n’arrive pas à m’en lasser. 

C’est quoi la recette Moderat ?

De l’électro pure et dure, mais avec une structure pop et du chant, surtout dans ce troisième album, peut être encore plus accessible, et c’est tant mieux. C’est électro mais pas spécialement dansant, plus vers du The XX (mais en mieux, avis personnel !).

Quasiment la totalité des titres de cet album sont chantés, on y trouve de très très bons titres plutôt accessibles comme le single Reminder ou bien Ghostmother, la planante Ethereal avec une deuxième partie plus trippante, the Fool et Eating Hooks qui ouvre l’album. On y trouve aussi des choses plus électro comme Running, énergique avec sa rythmique atypique ou Animal Trails, instrumentale aux percussions binaires et martiales.

L’album s’écoute comme un trip, de préférence fort et tardivement histoire de se faire transporter. Les nappes et les titres s’enchainent, nous transportant dans un monde urbain, sombre, froid et beau. Berlin peut être ? J’y vois plutôt des idées d’Hong Kong ou Shanghai la nuit.

Bref un très bon disque, pour ceux qui aiment l’électro bien sûr !

Ils sont en mai à Toulouse au Bikini, je suis assez tenté de voir ce que ça peut donner en live.

jeudi 14 avril 2016

The Last Shadow Puppets – Everything You’ve Come To Expect #thelastshadowpuppets #alexturner #mileskane



C’est le genre d’album qu’on n’attendait pas. Pourquoi diable Miles Kane et Alex Turner auraient refait un album ensemble au vu de leurs carrières respectives ? Je parle plus pour Alex et ses Arctic Monkeys, au sommet de son art avec AM. Parce que pour Miles, ça avait plutôt bien commencé avec son premier album, mais bon il faut reconnaitre que le pompiérisme du 2ème opus avait bien éteint la flamme… 
Est-ce que beaucoup de choses ont changé en 8 ans ? À part la coiffure de nos 2 acolytes, bien sûr, moins Beatles : Gomina et banane pour Alex, cheveux courts de petite frappe lad pour Miles.

Pas tant que ça.
On retrouve la même recette qui a fait le succès du premier album : du pop rock tendu, sexy, avec des arrangements de cordes très travaillés. On prend les mêmes et on recommence, c’est toujours Owen Pallett qui se colle aux arrangements, devenu depuis beaucoup plus connu grâce à un somptueux album et la BO de Her.

Le son est cependant plus mature, plus ample, les influences 70’s se font sentir, comme sur le titre éponyme et sa soul lascive, la basse ronde de Dracula Teeth ou Pattern, le riff de Miracle Aligner très amicalement vôtre. D’ailleurs ils ne s’en cachent pas, ils ont pris comme source d’inspiration Mélodie Nelson de Gainsbourg pour les arrangements. Et c’est plutôt réussi.

On sent que l’écriture d’Alex Turner a évolué, se rapprochant de ce qu’il fait avec les Arctic en accentuant son côté crooner comme sur Sweet Dreams, TN qui n’aurait pas dépareillé en version moins produite sur AM, et je ne parle même pas de She Does The Woods (qui ressemble un peu à My Propeller). Attention ce n’est en rien une critique car ces titres sont bons. Miles Kane n’est pas en reste sur les titres plus en accord avec sa voix dont le fabuleux titre éponyme.

Si on résume, on se retrouve avec un très bon album, au moins aussi bon que le précédent, la surprise en moins bien entendu. On oubliera vite la faiblesse du milieux avec Element Of Surprise et Bad Habit, pas vraiment inspirées et on se concentrera sur les petites perles comme la première chanson Aviation, qui fait bien le pont (aérien ?) avec le précédent album, Miracle Aligner, Sweet Dream TN, The Dream Synopsis, un slow délicat très Arctic Monkeys (hello N°1 Party Authem) avec des doublages de voix et des cordes très délicats. Et dans une moindre Mesure Dracula Teeth ou Pattern. 

Et bien entendu, il y a Everything You’ve Come To Expect, soul, puissante, arrangée à merveille, tout simplement géniale. Enfin c’est mon avis.

C’est incontestablement le disque de ce début d’année pour moi, plus subtil que du Arctic Monkeys (dans les arrangement et la légèreté rythmique), et beaucoup plus subtil que le dernier Miles Kane (là c’est pas dur...)


Kakkmaddafakka – KMF #kakkmaddafakka #kmf



Cela fait quelque temps que je suis la pop ensoleillée des protégés d’Erlend Oye (King Of Convenience, The Whitest Boy Alive). 

C’est curieux d’ailleurs tous ces groupes nordiques - les KMF sont norvégiens - qui nous proposent quelque chose de joyeux et solaire alors qu’ils ont rarement un échantillon de soleil sur eux !

Pour ce troisième album les KMF restent toujours aussi pop, c’est toujours aussi mélodique et bien trouvé. A noter, le chant s’affirme et est un peu moins « faux » que sur le précédent opus. 

La recette du bonheur ? des cocottes de guitares virevoltantes à la Two Door Cinema Club (tient d’ailleurs qu’est-ce qu’ils deviennent eux?), une basse et une rythmique sautillantes, un piano assez en avant, très Eurodance (peut être trop, on verra à la longue, mais il n’est pas présent sur tous les titres), et une voix bien posée là dessus. 

Que ce soit pour du Phoenix-like comme sur Galapagos (et en creux sur tout l’album), des chansons à rythmique enjouée comme Change (couplets parfaits),True ou Language (plus faiblard tout de même), de la pop classique comme sur Fool ou Young You (piano peut être trop en avant), du laid back qui sent la méditerranée (comble !) et les siestes comme sur Superwoman, du white reggae comme sur No Cure ou de la « disco-pop » enjouée et dansante comme sur Lilac, les KMF nous embarquent avec eux. Les chansons s’enchainent sans lassitude et laissent la banane, bref voici un très bon album dans la catégorie « feel good ». Pour ma part il risque de tourner pas mal avec les beaux jours qui arrivent, bande son idéale pour un petit barbecue/rosé !

Get Well Soon – Love #getwellsoon


Voix grave, un peu détachée, un grain mélancolique et surtout une production minutieuse et luxuriante. Voilà comment caractériser Get Well Soon et son dernier album. Vous allez me dire, ce n’est pas un peu pareil que la dernière critique, Tindersticks ? Oui et non, ici on est beaucoup plus pop, moins aventureux, c’est beau mais on reste en terrain connu, un peu de Radiohead période OK computer, comme le prouve It’s a Tender Maze, faisant tellement penser à No Surprises ou I’m Painting Money (avec une bonne dose de cordes en plus), un peu de The National pour la voix, du Death Cab For Cuty pour les structures. Et on rajoute par-dessus une bonne dose de cordes plus classiques que cheesy.

Et ce qui est nouveau c’est que ça nous vient d’Allemagne. De la pop allemande donc, ça nous change de l’exportation traditionnelle des allemands : Techno minimaliste et Hard rock chanté en Allemand (Rammstein quoi).

Ici c’est délicat, produit, mais pas pour autant triste. Même si It’s a Tender Maze, le premier titre, ou It’s an Airlift sont plutôt mélancoliques le reste est plus enjoué avec de très bonnes minutes pop comme Young Counts Falls For Nurse, It’s Love ou Marienbad. Et il y a aussi l’ovni It’s A Catalogue avec changement de voix pour un falsetto et un style néo-psychédélique comme Jacco Gardner and co.

Les amoureux de la pop classique s’y retrouveront, même s’il faut reconnaitre que l’album est d’accès assez austère et sobre, allemand quoi.


Tindersticks – The Waiting Room #tindersticks



Je ne suis pas un grand adepte de Tindersticks, disons que je suis passé à côté et qu’il faut que je me rattrape, d’autant qu’un album de ce groupe fait partie des perles de l’anti discothèque idéale. En écoutant cet album on a tout de suite une impression de maturité, de calme. C’est subtil, la production bien sûr est fabuleuse avec des touches électro bien senties, une rythmique afro toute en légèreté par moment, une basse funky, des violons, des bois, des cuivres afrobeat très chauds, un glockenspiel tout mignon, des steal drums. Le tout enveloppé par une voix de crooner, limite d’outre-tombe avec échos. C’est plutôt calme, planant et surtout très cinématographique. On imagine des images derrière tout ça, un western spaghetti moderne comme sur le premier titre instrumental avec sa rythmique et basse très « italienne », l’Afrique (Help Yourself), des balades bucoliques, un retour en enfance façon Amélie Poulain (Planting Holes), une ambiance automnale en forêt (Hey Lucida) ou la froideur électrique de la ville par moment (le début de Fear Of Emptiness). Normal cet enregistrement accompagne un projet de film.

Je n’arrive pas à trouver vraiment de titre qui pourrait ressortir, l’album s’écoute en entier, c’est un tout. Plaisant et planant.

S’il fait froid dehors, allumez-vous un feu et écoutez ce disque tranquillement dans un fauteuil confortable, vous voyagerez pour pas cher.

Ce n’est pas vraiment une musique de fond, ça s’écoute, ça se vit. Que ce soit au casque ou chez soi sur sa chaine.