lundi 16 décembre 2013

Détroit - Horizons




Voici un cas délicat : comment peut-on être objectif avec Bertrand Cantat ?
J’ai écouté ce disque en éclipsant les dernières 10 années, en me concentrant sur la musique et l’album, me remémorant mes souvenirs des 90’s.
Noir Dez, c’est surtout des souvenirs, Du Ciment Sous Les Plaines ou Tostaki ont tourné en boucle dans mon diskman, 666.667 Club, moins, trop commercial comme on disait. Des souvenir de car de ramassage scolaire, écouté à une seule oreillette pour partager. C’est aussi mon premier concert, poussiéreuse, grandiose, violent, possédé, poétique. C’est des diagonales perdues et des droites au hasard, des tentatives d’interprétations douteuses des paroles, des pogos endiablés sur Tostaki ou l’Homme Pressé, de la pluie qui coule sur la fenêtre en compagnie de Marlène (mon cœur saigne)…

Ce qu’on entend en premier, c’est la voix de Bertrand Cantat, râpeuse, inimitable, intime et familière, tout comme son harmonica qui fait ici son grand retour. Ensuite c’est l’instrumentation, pop, assez calme, d’inspiration américaine, desert rock, avec des guitares légèrement saturées, en arpèges, quelques chœurs et la basse ronronnante.
On commence avec Ma Muse, dans un style très Noir Désir, la voix bien sûr. Jolie balade, même si on ne parler de vrai inspiration. S’en suit Glimmer In Your Eyes, en anglais, assez fabuleuse, blues, folk, finalement assez différente de ce qu’il faisait sous Noir Désir. Terre Brulante, quant à elle, aurait pu être sur Des Visages Des Figures, avec son phrasé type et le côté un peu angoissant, version The End des Doors. On y retrouve l’harmonica des débuts aussi. Après Détroit 1, petit intermède instrumental, Ange De Désolation arrive avec un côté très pop avec la guitare (ou le clavier?) au fond, mais d’une tristesse dans le texte en léger contraste. Horizon s’enchaine rapidement avec une instru un peu identique, distorsion sourde, en rage contenu, et nous emmène en prison avec le détenu Cantat, la voix est poignante, la monté de saturation du milieu fabuleux. Là c’est un peu plus dur de faire comme s’il ne s’était rien passé. Droit Dans Le Soleil, le premier single déjà passé à la radio avec ses violons n’est pas celle qui me plait le plus, peut-être trop évidente, trop variété en somme. Après Détroit 2, Le Creux De Ta Main enchaine moins intime, plus Noir Dez, du moins sur le couplet, car le refrain et le pont chanté à 2 est différent, « Pas de technique en vogue, de calculs étriqués », « On les connait les porcs / Les cafards délateurs / Apôtres cyniques / Et rampant serviteurs / Ceux qui devant donc / Qui ont le sarcasme qui gicle / Et bavent encore » les couplets claque comme à la bonne époque de L’Homme Pressé, et cette harmonica si reconnaissable…On enchaine avec Sa Majesté, très Gainsbourg période Mélodie Nelson dans la diction (« ses toutous ») et l’instrumentation, et période reggae pour le refrain chanté par des chœurs en anglais. Null And Void, deuxième chanson en anglais, est superbement réussie, le thème de guitare répété à l’infini est parfait, le style anglo-saxon leur va bien. L’album finit par une reprise pour le moins personnelle d’Avec Le Temps de Léo Ferré, boucle électro et larsen de guitare. Une interprétation habitée, et qui résonne de vécu. Et si c’était ça la clef de l’album ? Avec le temps va tout s’en va ? Il est peut-être temps de passer à autre chose, de digérer ce qui s’est passé.


Alors ce n’est pas le meilleur album de Noir Déz, la fougue y a disparue, ou seulement sous forme de « reprise » avec Le Creux De Ta Main. Plus d’urgence, de revendication à hurler, de où veux-tu qu’je r’garde, de grand incendie tristement prémonitoire, de Marianne rebelle, d’aspirine come on please, de désinvolture et d’air de rien. Ce qu’il reste est ici dégraissé de toute fougue, de toute joie, reste la fragilité, la poésie des allitérations, le phrasé hypnotique, la magie de Bertrand Cantat.
« Qui a dit au début qu’il y aurait une fin ? Qui êtes-vous messieurs-dames pour me parler comme ça ? »

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