vendredi 15 avril 2016

M83 – Junk #M83




Pastiche, Hommage, Inspiration, Parodie, Nostalgie, Vintage.

En ce qui concerne la pop musique, les lignes sont devenues maintenant très floues entre ces différentes définitions.
On parle partout de retro-futurisme, c’est un fait, tout le monde puise son inspiration dans les 60’s, 70’s, 80’s et même 90’s (c’est dire !). Arrive-t-on à une panne d’inspiration ou au contraire de tout temps a-t-on regardé le passé pour construire l’avenir?
Autant vous dire tout de suite, je ne vais pas répondre à la question !
Et ce n’est surtout pas ce nouvel album de M83 qui y répondra, au contraire il nous plonge encore plus dans la confusion et l’embarras.

Les grands défricheurs de la pop font ouvertement les poubelles (le Junk du titre de l’album ?) du passé pour se servir de sources d’inspiration pour le moins avouables : Metronomy est fan de Jean Michel Jarre et le transforme en bouffée d’oxygène (M83 aussi tiens tiens), Daft Punk exhume le Chic de Neil Rodgers et l’has been Georgio Moroder, sans oublier le fantôme du paradis Paul Williams.

Après tout pourquoi pas. En faisant le tri et en fantasmant la vision du passé on peut en ressortir quelque chose de beau. Ça c’est le côté hommage, voire réhabilitation. Et dans ce sens, les Tarantino de la musique, Daft Punk, ont permis à certains « acteurs » de Random Access Memories de renouer avec leur gloire passée, pour le meilleur ou pour le pire. Beau travail social pour les seniors.

Mais il n’y a pas que ça, une bouse ne peut pas se transformer en or comme par enchantement, et il ne s’agit pas de jouer « comme à l’époque », avec le même Bontampi et la console qui a servi à enregistrer Thriller pour sortir quelque chose d’original. Il faut de bons titres derrière.

Bref. Revenons à Anthony Gonzalez, aka M83. Vous l’aurez compris, il y a quelque chose d’extrêmement daté dans ce disque. Et beaucoup de questions se posent à l’écoute de l’album, disons que la première écoute est dure, la deuxième déroutante, mais à force il y a quelque chose d’attachant.
Parodie, Ironie ? Oui il en faut, il faut du recul. Et oui il y en a. Quand on voit la pochette horrible à dessin avec les Muppets mauves, M83 écrit avec un word-art douteux, Junk en comics sans MS (police interdite par la convention de Genève en 1999) avec des couleurs et un agencement type Punky Brewster, on se dit qu’il faut de l’ironie, de l’autocritique, et un peu d’inconscience pour proposer ça. On peut aussi crier au génie. Je ne le ferai pas.


Donc il y a peut-être du second degré dans ce côté jusqu’au-boutisme de la production : nappes de bontampi, overdose de saxo, vocoder eighties, cor anglais, harmonica, batterie hexagonale, solo de guitare héros, pédales aux effets douteux, variété française, spoken word gainsbourien, funk électronique. Toutes les influences bonnes ou mauvaises y passent : Michel Berger côtoie Tears for Fears, Cindy Lauper croise Jean Michel Jarre, Gainsbourg fait du moonwalk un whisky à la main, Stevie Wonder tchatche avec Etienne Daho, Supertramp reprend Vladimir Cosma à l’harmonica, et bien sûr le tout saupoudré de la fameuse french touch avec ses claviers si particuliers, vintage mais futuriste à la fois, type bande son du futur d’un film des années 80. Genre Blade Runner ? Tron ? Ah non c’est Daft Punk ça.

En détail ça nous donne la Groupie du Pianiste joué par Dr Alban sur Do It, Try It, avant l’arrivée du mur de synthé épique M83esque, et des « Do It », « Try It » Daftpunkien. Ça done Go ! un titre ultra commercial taillé pour HAIM (pas le meilleur titre). Ça donne un refrain très Pastime Paradise de Steevie (ou Gangsta Paradise de Coolio pour les fans de Michele Pfeiffer…) dans Walkway Blues, du spoken word Gainsbourien en français et des alternances de refrains anglais dans Bibi The Dog, le tout produit par un Daho qui aurait voulu ajouter des voix de Chipmunk. Mais aussi, des instrumentales hyper datées comme Moon Crystal entre le générique de Miami Vice et de la Croisière s’amuse. Ça donne aussi des guitares claviers chelous sur Solitude, un slow avec sax apparent et guimauve dégoulinante sur For The Kids, de la variété française Berger/Gall en question réponse sur Atlantique Sud ou un final Vladimir Cosma style l’As des As joué par Supertramp avec le dernier bien nommé Sunday Night 1987 (2 films sinon rien !).

Comme pour d’autres albums récents (comme dans une moindre mesure le dernier Phoenix par exemple), Junk demande des écoutes nombreuses pour passer outre le mur de production et enfin trouver les chansons qui se cachent dessous. Evidemment les allergiques aux 80’s vont devoir passer leur chemin immédiatement même si ce n’est pas aussi indigeste que le dernier Passion Pit.

Et donc on évolue entre le sentiment qu’Anthony Gonzalez en a trop mis dans sa folie eighties. Le sentiment que les titres sont très bon : Solitude (peut être le dernier vestige M83), Laser Gun, Road Blaster, Bibi The Dog, Do It, Try It, et dans une moindre mesure Time Wind, For The Kids et Atlantique Sud. Le plaisir pur, peut-être un peu coupable. Le sentiment du « c’était mieux avant » car oui cet album n’a plus rien à voir avec ce que faisait M83 avant, et ça peut être décevant quand on attend Midnight City 2. L’impression qu’il a fait ça pour plaire au plus grand nombre en sautant dans la hype 80’s, ou pour se faire plaisir à lui seul, surement grand fan de Punky Brewster et d’AB production. 

J’ai beau me dire que je n’acquiesce pas toutes les lubies de production - loin s’en faut - je n’arrive pourtant pas à stopper l’écoute. Et ça c’est plutôt bon signe.
On en pensera ce qu’on veut, mais les titres sont vraiment bien écrits, tout y est réfléchi, trop ? peut-être.
Time will tell, mais pour l’instant j’adhère !

J’ai conscience que ce disque va cliver, encore plus les amateurs du M83 « d’avant », on aura le temps de se faire une idée sur sa longévité car je lui prédis un grand avenir. 

Que-ce soit pour du pastiche, un hommage, une inspiration, une parodie, de la nostalgie, un esprit vintage, jusqu’où peut-on aller sans tomber dans le ridicule ? 
Et bien en fait, ça dépend du talent, et M83 n’en manque décidément pas.


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