vendredi 24 juin 2016

Où est passé le reggae? Fat Freddy’s Drop – Bays #fatfreddysdrop



Il y a encore 10 ans le reggae était omniprésent en France et plus largement en Europe. Terre d’accueil des jamaïcains chassés de chez eux par le dancehall, le RnB et le rap, la France s’était prise d’un engouement reggae, rocksteady, ska, calypso. Il n’était pas rare de trouver en concert, même dans des coins de France reculés, les Wailers, Toots et ses Maytals, Max Romeo, Les Gladiators, Horace Andy, Alton Ellis, les antiques Skatalites, Israel Vibrations, Winston McAnuff, et d’autres stars moins connues des sixties et seventies jamaicains. Après les skinheads et les mods des sixties, les hippies seventies, les new mods et les rude boys des eigties en angleterre, c’est la France qui avait pris le relai. Les maisons de disques commençaient à re-produire des disques de ces idoles jamaïcaines un peu vieillissantes, à débusquer de vieux musiciens un peu oubliés façon Buena Vista Social Club en Jamaique.

L’engouement était tel que des groupes hexagonaux se mirent aussi au diapason. Il y en avait pour tous les goûts, du ska énervé, plus proche de la chanson française avec Sinsemilia, Babylon Circus ou La Ruda Salska, (bof bof bof) du plus commercial avec Pierpoljak, Mister Gang, voir Tryo ou K2R Riddim, du plus proche de l’original, un peu hommage avec Orange Street, Rude Boy System ou les très jazzy Jim Murple Memorial.

Mais cette vague n’a pas supportée le tournant des années 2000. Et Dieu que ces enregistrements ont mal vieilli. Honnêtement, j’étais un grand fan à l’époque mais je n’arrive plus objectivement à écouter un album entier de K2R Riddim autrement que par nostalgie. Alors que les classiques seventies n’ont pas pris une ride (pas les Bob c’est trop facile ! mais un petit War ina Babylon de Max Romeo ou un Marcus Garvey de Burnin Spear garde sa fraicheur, tout comme les albums reggae de Gainsbourg enregistrés avec Sly et Robbie). Et écouter un petit rocksteady genre Paragons ou Alton Ellis de 1967 (accompagné obligatoirement d’un ti punch) vous emporte toujours autant. D’ailleurs à noter, Trojan est en train de remasteriser son catalogue, il était temps.

Donc la mode du reggae français est passée de date, périmée. Même les djougs écoutent de l’électro et ont rangé les djembés.

Où est donc le reggae de nos jours ? Mort et enterré ? Résumé à des reprises de Bob Marley ?

En cherchant, on trouve du reggae dans les pays nordiques (ne cherchez pas la cohérence géographique), le dernier album d’Erlend Oye en est la preuve, petite pépite de reggae pop classique, mais aussi ses petits protégés de Kakkmadaffakka.

On trouve bien par-ci par-là des emprunts appuyés dans la pop contemporaine, le reggae est devenu une source d’inspiration comme une autre, plus noble et c’est tant mieux. Le dernier Arcade Fire est très imprégné de rythmes syncopés et de guitare à contretemps. Comme en témoigne un bon nombre de chansons de Reflektor et plus particulièrement Woman of a Certain Age, qu’on retrouve dans les faces B de Reflektor sorti l’année dernière. Le dernier Woods comporte un titre reggae, comme sur les galettes de Christopher Owens ou Calexico. Et je ne parle pas de Vampire Weekend. D’ailleurs ils deviennent quoi ?

Mais le vrai pays du reggae est devenu la Nouvelle Zélande. Ça vous en bouche un coin ça ?

Avec une poignée de groupe plutôt bon : Katchafire, The Black Seeds et surtout Fat Freddy’s Drop, les Kiwis sont dorénavant les portes paroles du reggae moderne. Relayés au cours des années 2000 par radio Nova, ils se constituent une petite aura sans sponsoring et sortent du carcan classique du reggae grâce à de nombreuses influences venant de leur pacifique natal et une touche réellement pop.

En fait c’est surtout Fat Freddy’s Drop qui impressionne. Depuis 2006 ils nous proposent une musique exigeante, mélangeant de plus en plus le reggae et le dub à de électro, du rock, du jazz ou de la soul.

Je ne me suis procuré que maintenant le dernier album de Fat Freddy’s Drop, sorti en fin d’année dernière, Bays. Un très bon disque où ils poussent encore plus loin les mélanges. Voici donc ma petite chronique.


Des mélanges et des nouveaux sons il y en a ! On y trouve de l’électro pop tout juste syncopé avec Wheels, grandiose et à tendance techno house avec Razor, un peu lounge avec Cortina Motors qui ressort un petit côté St Germain plus organique. De la soul et du jazz avec la très belle Makkan, du funk et de l’afro beat avec Fish In The Sea (fuk survolté sur la fin d’ailleurs) ou Wairunga Blues qui ouvre magnifiquement l’album.

Et bien sûr, encore du reggae classique, comme avec Slings and Arrows : grosse ligne de basse, skank appuyé et puissant, cuivre, solo de trombone avec reverb et aussi un son 8 bit plutôt détonant. Et surtout la délicate 10 Feet tall qui flirte gentiment avec le dub et apporte une touche de mélancolie.

9 titres hybrides, certains plutôt long faisant penser à de grosse jam sessions.

On le voit même eux s’extirpent du format reggae « classique » et le frottent à d’autres styles, et c’est là, la solution pour le faire (sur)vivre, ne pas reproduire toujours la même chose, garder l’essence (le contretemps, une certain façon de chanter, une basse bien ronde, une batterie oubliant quelques temps et à coté des temps) et évoluer. Cet album et ce groupe ne peuvent plus être classé reggae, ils sont bien plus loin.

Le Reggae est mort, vive le Reggae




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