vendredi 17 mars 2017

Inna de Yard – The Soul Of Jamaica #innadeyard



C’est un fait, le reggae jamaïcain est moribond. Cela fait maintenant 20 ans (avant internet !), on a essayé (surtout en France) d’exhumer le répertoire historique de l’ile, façon Buena Vista Social Club à dreadlocks. On avait été chercher Stanley Beckford de sa misérable retraite pour le faire tourner entre Chauvigny, Pouziou la Jarie et Sorreze, reproduit Toots et lui permettre d’enregistrer avec Clapton, Ben Harper ou Manu Chao, fait un peu de pub aux Stakhanovistes des Gladiator, usé jusqu’à la moelle le contrebassiste des Skatalites, fondé le Jamaican All Stars avec les survivants de la vague 70’s, on avait surtout imité de toutes part le roots reggae dans un anglais approximatif des « hou yeah » trop présents et des « jah rastafari » poussés du fin fond de la Vendée. Et puis plus rien, le reggae s’en est allé avec l’arrivée d’internet, des jeans slim et du revival rock. Il reste encore un peu présent là où la nature et la nonchalance le nécessitent : dans les iles, de la Polynésie aux Antilles, de Bali à la Nouvelle Calédonie. La Nouvelle Zélande se l’est même du coup approprié, sans même le demander.
Il ne reste donc pour les amoureux du skank et du one drop que les yeux pour pleurer et les compiles Trojan (en pleine réédition) pour écouter en boucle les enregistrements d’époque fortement altérés par des conditions de production et de stockage d’un autre âge.
Mais voilà qu’arrive, en 2017, un album complètement anachronique, sorti surement 15 ans trop tard : Sound Of Jamaica de Inna de Yard. Un collectif de vieux routard de l’ile qui avait déjà sévi à l’époque.
Rien de neuf, juste un nouveau témoignage sur ces oubliés de l’ile, trop petits derrière l’ombre géante de Bob Marley.
Le principe d’Inna De Yard est de proposer une musique de rue, telle que jouée entre les prises, dans les yards (les cours) à l’entrée des studios. Plus authentique donc, plus acoustique. Sur une rythmique souvent Nyabingui (chant de prière rasta sur fond de percussions africaines tribales, popularisé dans les 70’s par Ras Michael) s’exercent quelques jeunots mais surtout les voix de vieilles gloires jamaïcaines comme le fabuleux Ken Boothe, soulman de l’ère rocksteady, comme les Viceroys (et leurs somptueuses harmonies vocales), comme Winston McAnuff ou comme le leader des Congos. Du Roots Reggae donc, du vrai.
Bon remède pour les allergiques au one drop, sa batterie minimaliste, au skank trop appuyé (célèbre clavier et guitare ensemble) de la fin des 70’s ou du dub, la production minimaliste laisse la part belle aux mélodies et aux voix. 
Pour les amoureux de Redemption Song donc. 
Cela ne veut pas dire que tout est acoustique, on y trouve aussi des basses rondes qui tiennent la mélodie, des cuivres (un excellent trombone qui ravive les souvenirs de Don Drumond), une guitare électrique, du reggae quoi.
The Soul of Jamaica, le titre n’est pas trompeur, il y a de la soul, de la mélancolie, des belles voix (Love Is The Key, Let The Water Run Dry, Youthman et ses chœurs masculins très Gladiators), mais aussi une pointe de ragga en mode mineur (le flow de Sign of the Time et ses montées bien senties).
Pour les amoureux du reggae, ceux qui veulent se sentir en vacances, ceux qui cherchent un angle d’attaque pour aborder cette musique, sautez sur ce disque. Bien produit, original par son attaque et diablement attachant. On devra encore attendre 10 ans pour avoir la suite ?

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