lundi 14 septembre 2015

Sufjan Stevens live au Grand Rex (Paris) 8 septembre 2015


Comment retranscrire l’émotion et le travail de dépouillement du dernier album de Sufjan en live ?
Faire un set acoustique guitare voix ? Tout changer au risque de perdre la fragilité des chansons ?
La question se pose d’autant plus que sa dernière tournée, pour le très électro Age of Adz, était plutôt spectaculaire : danseur avec des néons, Sufjan en costume d’oiseau avec des ailes et compagnie. Je n’y étais pas mais on m’a dit que c’était fou. Vu l’état mental du bonhomme de toute façon ça ne peut pas en être autrement.

J’ai fait le déplacement sur Paris pour ce concert, au Grand Rex, les 2 dates affichent complet. Je suis allé à la première, le jour de mon anniversaire, sympa ! On pourrait déjà parler de la salle qui est en fait un cinéma. Places assises plutôt confortables, énorme voute avec plus de 30 mètres sous plafond, avec balcon et décor kitch style les nuits d’orient en carton pâte, et la scène.

La première partie arrive, Madison Ward and The Mama Bear, un énorme Black du Texas, accompagné de sa mère, qui arrive sur Rocky Raccoon des Beatles. Ils ne peuvent qu’être sympathiques ! La musique est plutôt blues, teintée d’un peu de folk et de soul. Ça sent bon le sud des états unis et on y trouve une petite touche de modernité indé, genre Edward Sharpe ou Fleet Foxes. Bref du très bon, je vais de ce pas me procurer l’album. On en reparlera donc bientôt.
Rentrons maintenant dans le vif du sujet, le concert de Sufjan, assez déconcertant, tout en dualité : schizophrène, pourrait-on dire. On se retrouve avec un beau mélange de grâce, d’intimité guitare voix et de grosses envolées électro très expérimentales. Pour l’aider dans sa tâche, Sufjan s’est entouré de 5 personnes qui tournent beaucoup entre les divers instruments à cordes, le piano, les claviers, le trombone, la flute à bec et bien sûr les choeurs. Il n’y a que le batteur, avec son touché particulier, qui ne bouge pas.
Carrie and Lowell, son dernier album est joué en entier et les chansons sont très modifiées pour certaines : final électro pour Should Have Known Better (peut-être un peu dommage je trouve, j’adore la montée de la fin sur la version album), All Of Me Wants All Of You (rythmique hip hop et danse chelou de Sufjan par-dessus), Fourth Of July (un écho surréaliste et la fin cataclysmique rythmée par le mantra « we all gonna die » ) et bien entendu le final interminable et expérimental en forme de trip sous acide multi sensoriel, son mais surtout lumière, de Blue Bucket Of Gold. D’autres sont par contre vraiment dépouillées à l’extrême comme Eugene ou Death With Dignity. Et chose à noter TOUT l’album y passe : les 11 titres sont présents dans la setlist…
On peut dire que le contraste est assez saisissant et surprenant, on enchaine donc les chansons très sensibles, rendues encore plus personnelles par la présence de films super 8 de la famille Stevens diffusés en arrière-plan, et des envolées électro, interlude ou presque des titres à part entière, avec show lumière à l’appui. J’oubliais les deux titres (en excluant l’intro), The Owl and The Tanager, un peu plate et Vesuvius beaucoup plus intéressante. Ça c’est pour la première partie, show impeccablement rodé, très autiste, sans aucune interaction de la part de Sufjan avec le public, d’un seul bloc, peu de pause entre les morceaux, vidéo spécifique sur chaque chanson (diffusées sur de magnifiques murs de diodes en forme de diamants, light show de folie avec faisceau et boule à facette géante pour la fin de la partie, modification très électro des titres).
Le public écoute, tendu, silencieux et poli, enfoncé dans ses sièges en cuir. Tantôt au bord des larmes, submergé par l’émotion des titres, tantôt abasourdi par la fureur électrique.
Et il y a le rappel, sorte de deuxième partie, composé de chansons plus classiques, principalement de Illinoise. 2 parties, 2 ambiances, ici pas de light show, de la lumière brute, peu d’électro et un Sufjan qui parle, chose qu’il n’avait pas encore faite, et en français en plus ! Et à la beauté formelle de la première partie, quelque chose de plus proche, un peu plus touchant et chaleureux vient s’immiscer.
C’est bien évidement les chansons calmes qui m’ont tenu en haleine, comme accroché au moindre soupir : Death With Dignity, Drawn to the Blood, The Only Thing et No Shade in the Shadow of the Cross du dernier album, mais surtout Concerning the UFO (j’adore cette chanson qui vient rouvrir le rappel sur un magnifique piano voix, et cet énorme soupir à la fin du titre apporte tellement…) et John Wayne Gacy, Jr de Illinoise. Le jeu de piano en réponse à la guitare sur John Wayne Gacy, Jr était juste merveilleux… Et bien sûr le final Chicago joué peut-être un peu trop acoustique (merde il y avait un trombone sur un pied qui ne servait à rien !), mais toujours génial, vraiment une grande chanson.
Visuellement le show est génial, enfin pour la première partie. Pour ce qui est du son, certains ont reproché l’acoustique pas fabuleuse de la salle, personnellement j’ai trouvé ça vraiment bien, nette pour les parties calmes, puissante pour les parties électro et ses infrabasses qui font vibrer toute la salle. On peut noter quelques pains mis çà et là par Sufjan (forcement repérable quand il n’y a que lui) ou des oublis de paroles. Ça parait presque volontaire sur Should I Know Better quand il bute sur l’âge auquel sa mère l’a abandonné dans un vidéo club ou sur Eugene quand il dit qu’il est bourré. C’est moins excusable sur John Wayne Gacy, Jr... L’émotion ou la maladie ou les deux sans doute. Sa voix de temps en temps s’enraye, il peine un peu sur les changements entre sa voix calme et sa voix de tête. ça peut donner un peu de charme, en tout cas l’émotion est là.

L’émotion, c’est vraiment le maitre mot de ce concert, on en ressort un peu chamboulé, par ce mélange particulier, cette sincérité, ce trop-plein visuel, ces erreurs touchantes et l’assurance d’avoir passé un moment unique.


Et pour ceux que ça intéresse, voici la setlist :

1. Redford (For Yia-Yia & Pappou)
2. Death With Dignity
3. Should Have Known Better
4. Drawn to the Blood
5. All of Me Wants All of You
6. Eugene
7. John My Beloved
8. The Only Thing
9. Fourth of July
10. No Shade in the Shadow of the Cross
11. Carrie & Lowell
12. The Owl and the Tanager
13. Vesuvius
14. Blue Bucket of Gold

Rappel:
15. Concerning the UFO Sighting Near Highland, Illinois
16. Heirloom
17. Futile Devices
18. John Wayne Gacy, Jr.
19. To Be Alone With You
20. Chicago

Et pour ceux qui veulent un aperçu, des gens à de meilleures places ont fait quelques vidéos pas trop mal.


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